Les enfants au loin, jouent toujours sur l'étang gelé. Holden lui est toujours assis sur le banc, les yeux pleins de larmes qu'il essuie avec son bras.
HOLDEN (RENIFLANT)
Et… tu sais? Tu sais ce qu'il y a de plus drôle?
A côté de lui, assis sur le banc, un homme d'une trentaine d'années, PASCAL prend des notes sur un cahier.
PASCAL
Non. Non, je sais pas.
HOLDEN
Le truc c'est qu'il n'y a jamais eu de Justine puisque c'est moi qui
l'ai inventée. Parce que j'suis tellement timide et maladroit avec les filles,
j'ai tellement peur qu'elles rient de moi, que j'préfére encore écrire ma propre
histoire. Bon c'est sûr, ça va certainement faire rire deux ou trois crétins.
Même des gens bien…
Holden regarde Pascal du coin de l'œil, ce dernier le rassure et l'encourage à continuer.
HOLDENLes deux hommes se lèvent et descendent tranquillement vers l'étang, comme s'ils reprenaient une promenade.
Pff… Toute façon je m'en fous. Justine, c'est ma meilleure amie. La seule. Sûr que j'aurais dû la rencontrer.
HOLDEN
Tu crois que ça sera vraiment une héroïne
ma Justine?
PASCAL
Oui. En tout cas, moi je l'ai vue comme je te vois.
Holden sourit un peu tristement et lui prend son cahier des mains. Il le feuillette, en lit quelques lignes, survole les pages
HOLDEN
Tout est là oui.
Il lui rend le cahier.
HOLDEN
Tu crois qu'ils comprendront? Qu'ils sauront?
Pascal lui fait signe que oui
HOLDEN
Elle m'a écrit un poème tu sais. Quand tu feras
ton livre, ce serait bien qu'il finisse comme ça.
Je voudrais pas que tu marques le mot fin, tu
comprends?
Holden reprend la feuille de cahier arrachée et usée, glissée dans la poche arrière de son jean. Il s'assoit en tailleur par-terre, dans l'herbe. Pascal s'assoit à côté de lui. Il s'apprête à noter sur son cahier mais se ravise, ému, lorsqu'Holden se met à lire.
HOLDEN
La petite fille est morte, c'est encore l'hiver qui la porte. Elle se disait que son feu devenait froid. Elle se disait qu'elle finirait bien à vieillir. A toi qui me lis, mon ami je t'en prie, surtout ne m'enterre pas comme ça. Pense à celle qui s'est éteinte ici bas. Car tu le sais, je connais toutes tes souffrances. Je connais toutes tes peurs, tout tes pleurs. Je sais exactement ce que tu ressens.